MAISON DE PRODUCTION MULTIDISCIPLINAIRE

Françoise Dancause travaille à la création d'un spectacle en téléprésence intitulé CorresponDanse de guerre. Cet événement théâtral est spécifiquement conçu pour être diffusé sur deux scènes en simultané grâce à la technologie de la téléprésence, dans les salles multifonctions. C'est au cours de la préparation de ce spectacle d'envergure que l'artiste et les membres de son équipe se sont mis à entrevoir l'appropriation d'un nouveau langage scénique utilisant les arts numériques, alors qu'ils découvraient les différents outils pratiques pour la création en téléprésence. Ce nouveau langage, ils l'ont appelé le "Théâtre cinématographique". Frada Productions travaille actuellement à developper les arts numériques en art de la scène ainsi que sur la publication des recherches basée sur ce nouveau langage scénique et les tests technologiques (Septentrion - collaction le Hamac), ainsi que sur la diffusion et le rayonnement d'une production originale qui aura permis d'explorer cette nouvelle pratique et, souhaitent-ils, de poser les premiers jalons d'un nouveau langage à exploiter.
LE SPECTACLE EN BREF
CorresponDanse de guerre propose au public une grande histoire, celle du conflit mondial de 14-18, qui sera déclinée sous deux angles différents : celui d'un militaire canadien-français parti combattre dans les tranchées en Belgique et celui des membres de sa famille restés dans l'attente dans un Québec fragilisé. Ce spectacle sera présenté dans deux salles de spectacles, situées à plusieurs kilomètres de distance l'une de l'autre. Ces deux univers scéniques sont séparés, mais reliés par la correspondance, et quelquefois même en dialogue grâce à la technologie de la téléprésence. Appuyé par une scénographie numérique, ce spectacle plongera les spectateurs dans une expérience théâtrale hors du commun.
Ici, dans le projet CorresponDanse de guerre, l'utilisation de la téléprésence prend une dimension spectaculaire, car elle permet de relier (ou non) deux univers qui sont littéralement séparés. Grâce à ce concept de mise en scène et de communion des deux salles, le spectateur assistera à des moments forts en émotion où les deux protagonistes pourront enfin communiquer en dialogue, et à d'autres moments où la communication sera complètement impossible. La téléprésence donne aussi l'occasion de jouer avec le langage cinématographique. Cette technologie qui transmet le son et l'image d'une salle à l'autre permet de présenter des plans sélectionnés en fonction de l’histoire à raconter, de ce que nous souhaitons dévoiler ou non. Nous jouerons ainsi sur les perceptions et le message véhiculé. Le spectacle présentera la même histoire dans les deux salles, mais sous deux angles différents. Les spectateurs n’auront jamais accès aux deux visions en totalité, c’est-à-dire qu’ils pourront voir l’entièreté des performances sur scène du comédien et des danseurs qui se trouveront physiquement dans leur salle, mais qu’ils ne verront que ce que nous désirons qu’ils voient de la seconde salle, en virtuel. Ce concept présente ainsi un double spectacle, à l’intérieur d’une même histoire. Les spectateurs auront la possibilité d’assister une seconde fois au spectacle en choisissant de découvrir l’autre point de vue. À cette utilisation de la téléprésence s'ajouteront une mise en scène et une scénographie numériques. L'équipe travaillera sur une conception multimédia qui offre des possibilités de changement de rapport avec le public. Nous entrevoyons une magnifique occasion de développement de public, et nous avons déjà commencé à discuter de la possibilité d'offrir des représentations devant le public scolaire. Nous considérons l'aspect technologique du spectacle comme une belle porte d'entrée pour le jeune public qui apprivoisera les arts scéniques en partant d'un langage qu'il connaît davantage.
NOUVEAU LANGAGE
La téléprésence donne l'occasion aux créateurs de jouer avec le langage cinématographique sur scène et de retransmettre le son et l'image d'une salle à l'autre. L'équipe a donc choisi de miser sur un double spectacle qui propose des exclusivités de chaque côté, c’est-à-dire que dans chacune des salles seront déployés des plans sélectionnés sans montrer la totalité du contenu. De ce fait, les spectateurs présents dans chacun des théâtres auront une vision différente d'une même histoire. De plus, à ce concept s'ajouteront 4 caméras, placées sous 4 angles différents et qui permettront d'augmenter les possibilités narratives. Réels (sur scène) ou virtuels, les comédiens et danseurs prennent une autre dimension que celle qu'ils occupent habituellement dans le théâtre traditionnel. Parfois représentés en proportion réelle, d'autres fois mis de l'avant en plan rapproché, les comédiens et danseurs proposent au public de découvrir un nouveau langage scénique évocateur et puissant. Les exercices précédents de théâtre en téléprésence offrent habituellement un rapport 1 : 1 aux spectateurs, c’est-à-dire un rapport identique et proportionnel entre les comédiens, le décor, etc. Dans le projet CorresponDanse de guerre, ce rapport est complètement éclaté et mise sur une panoplie de plans et d'angles différents. Le résultat nous donne accès à une nouvelle vision du théâtre et une appropriation de la technologie de la téléprésence dans la création d'une œuvre originale. Également, le projet CorresponDanse de guerre se veut un projet multidisciplinaire : théâtre, danse, chanson et arts numériques. Il permet le maillage entre les disciplines et offre l'occasion d'expérimenter ce nouveau langage de plusieurs points de vue.
Le projet de recherches et de développement permettra ainsi de peaufiner ce nouveau langage par l'expérimentation en salle de la production originale qu'est CorresponDanse de guerre. Trois partenaires diffuseurs du spectacle, la SPEC du Haut-Richelieu, le Centre Culturel de Joliette et le Théâtre Hector-Charland de l'Assomption, appuient le projet et les résidences technologiques afin de développer ce nouveau langage en nous permettant de bénificier de l'expertise de leurs techniciens en salle, et d'utiliser l'équipement sur place. Culture Montérégie appuie également le projet et développera avec nous des formations en téléprésence. Finalement, la Société des Arts Technologiques de Montréal est aussi partenaire du projet et nous a permis de faire 3 bancs d'essai en 2019. C'est d'ailleurs grâce à ces bancs d'essai que l'équipe a découvert l'univers de possibilités que nous réservait la téléprésence.
Le résultat des recherches sera publié aux éditions Septentrion - collection Le Hamac, dans un ouvrage qui présentera la démarche artistique du projet, les essais technologiques, la définition du nouveau langage scénique, l'écriture dramaturgique en téléprésence et les outils de création que nous auront développés.
BANCS D'ESSAIS TECHNOLOGIQUES
Téléprésence et théâtre cinématographique | Déploiement numérique, 2020-2021
Nous travaillons à partir du contenu de lettres échangées entre Eugène Mackay-Papineau, jeune officier du 22e bataillon canadien-français parti combattre en Europe au cours de la guerre de 14-18, et ses proches. Au fil du projet, alors que nous apprivoisions la téléprésence, notre cheminement nous a amenés à poser les bases d’un nouveau langage scénique : le théâtre cinématographique. Voici les objectifs que nous nous sommes fixés ces derniers mois, et le résultat de notre travail.
Objectifs :
Expérimenter les possibilités du nouveau langage que nous sommes à créer, le théâtre cinématographique, et qui s’appuie sur la téléprésence. Nous devons vérifier si notre proposition est valable et réalisable, et continuer à tester la constance de la transmission de la station SCENIC.
Bancs d’essai des 9, 10 et 11 novembre 2020
Avec le théâtre cinématographique, on perçoit dorénavant chaque scène comme un plateau de tournage où les interprètes évoluent. L’action est captée par caméra, et le résultat est projeté sur un grand écran situé à l’arrière-scène, à une hauteur permettant aux spectateurs de voir à la fois l’activité sur le plateau et le résultat. Chaque salle voit le même « film », mais profite d’exclusivités quant à ce qui se passe sur chaque plateau.
Emboîtement
Nous installons un écran D.E.L. sur scène, pour tester l’emboîtement. Par exemple, en plaçant une table contre l’écran, en y assoyant la famille, et en captant un autre comédien sur l’autre scène, tout en respectant une échelle de proportions, on peut créer l’illusion que cette personne est attablée avec les autres.
Du côté des proportions, l’effet est très intéressant et fonctionne bien, mais en captant sur caméra l’action qui se passe sur l’écran D.E.L., il se crée un effet visuel indésirable, un peu spectral, qui nuit à l’illusion. Il pourrait s’agir du fait que nous ne travaillons pas encore l’éclairage, et ce pour quelques raisons :
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Nous en sommes encore à découvrir quels seront nos besoins avec le nouveau langage qu’est le T.C.;
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En bancs d’essai, le temps est compté, nous choisissons ce sur quoi nous concentrons nos efforts. Peut-être l’éclairage — élément crucial dans un spectacle — demandera-t-il des bancs d’essai à lui seul;
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Il y a un enjeu lié au nombre de pixels que la caméra est en mesure de capter vs le nombre de pixels de l’écran D.E.L.. Un équilibre doit se créer entre les deux pour qu’on oublie le plus possible l’écran D.E.L..
Aiguillage
Pour chaque espace (militaire/famille), nous disposons de 2 caméras PTZ fixes, 1 caméra sur scène, 1 caméra au plafond et 1 caméra mobile. Par un système d’aiguillage, nous choisissons ce qui sera projeté sur grand écran, et nous sommes en mesure de projeter plus d’un flux à la fois sur le même écran, donc de créer une rencontre entre deux personnages qui ne sont pas dans la même salle. Nous conserverons cette dynamique d’emboîtement des deux salles, mais en arrivons à la conclusion que l’aiguillage ainsi utilisé n’est pas la meilleure solution :
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Nous avons trop de « cues » qui nécessitent une grande précision, et avec l’aiguillage, la marge d’erreur est trop importante;
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Pour que l’aiguillage fonctionne, il faudrait avoir recours à du contenu préenregistré, ce qu’on écarte, puisqu’on table sur le côté « en direct » et son immédiateté;
Entre chaque scène, pour optimiser les prises de vue, on se trouve à déplacer les caméras afin de les avoir exactement là où elles nous servent le mieux. Cela nous mène à cette réflexion : et si notre intuition était bonne et qu’il serait intéressant de miser sur une personne par salle pour effectuer la captation?
Qualité de l’image
Le rendu sur grand écran doit offrir une esthétique cinématographique. Avec les caméras PTZ, que nous avons utilisées jusqu’ici, le résultat ne nous satisfait pas. Précisions : les PTZ ont ceci de pratique qu’elles peuvent être manœuvrées à distance. Malheureusement, le sujet capté n’est pas magnifié comme on souhaiterait qu’il le soit. Même si nous n’avons pas encore commencé à placer l’éclairage, nous sommes en mesure de faire ce constat, puisque les autres caméras utilisées (des marques de caméra, sur trépied, sur scène) ont un meilleur capteur et un meilleur objectif que ceux des PTZ. Cela dit, avec celles-ci, toutes les opérations doivent se faire manuellement. Serait-ce une autre raison d’opter pour une caméra opérée par quelqu’un sur le « plateau »?
À l’issue de ces bancs d’essai, nous avons :
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Constaté que nous devrons travailler avec d’autres caméras que les PTZ pour un rendu cinématographique réussi;
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Décidé de tester la caméra opérée par une personne sur chacune des scènes;
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Fait un premier essai avec un écran D.E.L. sur scène : effet concluant en ce qui concerne l’illusion de la présence d’un personnage qui se trouve en fait dans une autre salle, et belle piste pour dynamiser une scène. Nous comptons tester l’utilisation de cet écran pour faire office de fond, sur lequel l’action se déroulerait. Pour cela, toutefois, il faut régler la captation comme telle de l’écran, qui vient avec de la pollution visuelle;
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Abandonné l’aiguillage avec plusieurs caméras : trop de risques d’erreurs.